Effet de serre simplifié

Application proposée par le Club des Argonautes

Auteur : Yves Fouquart

Codage R-Shiny : Pierre Chevallier

Version : mai 2021


Le système climatique est commandé par les échanges d'énergie qui y ont lieu.


Si l'on considère la planète dans son ensemble , ses échanges d'énergie avec l'extérieur ne se font que par rayonnement. Sur le long terme, ces échanges doivent être équilibrés faute de quoi, la Terre se réchauffe si elle gagne plus d'énergie qu 'elle n'en perd et réciproquement. Actuellement, la Terre perd moins d'énergie qu'elle n'en gagne


La Terre reçoit son énergie du soleil sous forme d'un rayonnement de courtes longueurs d'onde, on appelle irradiance solaire F0 la quantité d'énergie reçue par 1 m2 de surface perpendiculaire à la direction du soleil. La quantité totale reçue par toute la planète par unité de temps est donc FS, S = π R2 est la surface du disque face au soleil avec R, le rayon de la Terre. Elle en réfléchit une partie α vers l'espace ; α est appelé l'albédo de la planète. La quantité d'énergie absorbée est donc π R(1-αF0.


La Terre perd aussi son énergie par rayonnement, mais à des longueurs d'onde plus grandes, dans l'infrarouge. Si on appelle Fir(TOA), la valeur en W/m2 du flux infrarouge sortant au sommet de l'atmosphère, la quantité totale d'énergie perdue par la Terre par seconde est 4π RFir(TOA) et l'équilibre énergétique requiert que

Fir(TOA) = Solabs = (1-αF0/4


Si l'on s'intéresse, cette fois, aux échanges d'énergie qui ont lieu sur la planète, à l'intérieur du système climatique, il faut faire intervenir les échanges de chaleur qui ont lieu par l'intermédiaire des échanges de matière, c'est à dire par convection et par advection.


Dans cette section, on explore quelques une des principales conséquences qui en résultent. On dispose pour cela de trois modèles

Modèle effet de serre

Objectifs : estimations de la sensibilité climatique, du forçage radiatif du CO2, du forçage des nuages, de la rétroaction de la vapeur d'eau.


Deux vidéos de présentation sont disponibles :

  • La première vidéo se veut abordable pour tous. Elle ne nécessite aucune connaissance préalable, juste un peu d’attention.

  • La deuxième essaie d’aller un peu plus au fond des choses en introduisant la notion d'altitude d'émission et en présentant les différents modes d'interaction des molécules avec le rayonnement. Elle ne nécessite pas, à vrai dire de connaissances particulières puisque tout y est expliqué mais elle est plus complexe et un peu de familiarité avec la physique permettra évidemment une compréhension plus aisée. On y verra aussi que l’effet de serre est très largement validé par les mesures de température de l’atmosphère qui sont effectuées tous les jours depuis les satellites météorologiques.


Le premier modèle permet d'évaluer l'influence d'une variation de la concentration de gaz à effet de serre (GES) sur la température moyenne à la surface. Les GES qui sont pris en compte sont la vapeur d'eau qui est ajustable par l'intermédiaire de l'humidité relative et le CO2. Le modèle calcule les flux IR à tous les niveaux , entre autres le flux IR sortant au sommet de l'atmosphère, Fir(TOA). On cherche par tâtonnements la température à la surface (*) qui permet de respecter l'équilibre radiatif de la planète :

Fir(TOA) = Solabs = (1-α) F0/4 en W/m²

où : Solabs, énergie solaire absorbée ; α, albédo de la Terre ; F0, irradiance solaire (encore appelée « constante solaire »).



Ce modèle permet en particulier d'évaluer quantitativement l'effet de serre mesuré ici par le rapport entre l'énergie émise par la surface et l'énergie qui sort de l'atmosphère :

Fir(z=0) / Fir(sommet de l’atmosphère)

et sa variation quand les concentrations en GES sont modifiées.


L'application calcule les flux infrarouges sortants au sommet de l'atmosphère (TOA : Top of Atmosphere) en fonction de la température de surface, de l'humidité relative, de la concentration en CO2 et de la couverture nuageuse. Pour cette dernière, on considère soit un nuage bas à une altitude comprise entre 1000 et 2000 m d’altitude, soit un nuage haut à une altitude comprise entre 7000 et 8000 m d’altitude.


La méthode consiste à fixer ces paramètres et à chercher par tâtonnements la température de surface qui satisfait l'équilibre énergétique.


L'application calcule aussi le bilan radiatif de l'atmosphère qui est négatif, car celle-ci cède plus d'énergie qu'elle en reçoit. Lorsque l'équilibre est atteint, le bilan radiatif à la surface de la Terre est égal et opposé au bilan de l'atmosphère ce qui correspond au fait que la surface dont le bilan est positif chauffe l'atmosphère par l'intermédiaire des mouvements de convection de l’atmosphère.


Attention:

  • Cette simulation s'applique à la planète dans son ensemble.

  • Les calculs sont réalistes, mais très simplifiés , il ne faut donc pas chercher de réponse quantitative comme par exemple, la sensibilité à un doublement de la concentration en CO2 même si la valeur trouvée (2,5 °C) semble raisonnable. La seule rétroaction incluse dans la simulation est celle de la vapeur d'eau : lorsque l'on change la concentration en CO2, la température change elle aussi, et si l'on maintient l'humidité relative constante, la teneur en eau de l'atmosphère varie elle aussi.


Pour une représentation pédagogique avec plus d’options, on peut consulter celle de l’université de Chicago (en anglais) qui ne détaille toutefois pas la méthode utilisée : http://climatemodels.uchicago.edu/rrtm/


Définitions : ici, pour une variation de la concentration en CO2, une rétroaction est la variation de température qui en résulte de façon indirecte comme par exemple :

  • Augmentation CO2 => augmentation de température => diminution de l'étendue de neige et de glace => diminution de la quantité de rayonnement solaire réfléchi ou de façon équivalente augmentation de la quantité de rayonnement solaire absorbé => augmentation de la température

  • ou
    Augmentation CO
    2 => augmentation de température => augmentation de la quantité de vapeur d'eau => augmentation de l'effet de serre de la vapeur d'eau => augmentation de la température

  • ou encore
    Augmentation CO
    2 => augmentation de température => augmentation de la végétation => diminution de la concentration en CO2 => diminution de la température


(*) Pour des raisons pratiques de temps de calcul, le modèle est évidemment très simplifié, la température et la pression varient avec l'altitude d'une manière qui correspond à une atmosphère moyenne (la température diminue linéairement avec l'altitude jusque vers 10km et la pression diminue d'environ 100 hPa par km (plus précisément : p = pe(-z/H) avec = 8km) et l'absorption par la vapeur d'eau et le CO2 est calculée d'une façon très approximative. Pour une approche pédagogique, les résultats restent cependant suffisamment proches de ce qui pourrait être obtenu avec des modèles plus précis.

Modèle radiatif convectif (RCM)

Objectifs : répartition de la température avec l'altitude, mise en évidence de la stratosphère, compréhension du mécanisme par lequel l'augmentation de l'effet de serre augmente la température à la surface.

Représentation schématique de l'équilibre radiatif convectif d'une couche d'atmosphère. Ici, l'atmosphère est supposée transparente au rayonnement solaire, c'est une approximation très grossière.


Ce type de modèle a été essentiel dans le développement de la recherche climatique. En 1966 Wetherald et Manabe l'ont développé comme une première étape dans la réalisation du premier modèle tridimensionnel de circulation générale de l’atmosphère qui a donné naissance aux modèles climatiques actuels. Les RCM sont des modèles unidimensionnels (la verticale) dans lesquels la température est le résultat de l'équilibre énergétique entre les apports d'énergie par la convection et par l'absorption du rayonnement solaire et les pertes d'énergie par rayonnement infrarouge. La convection distribue les échanges de chaleur d'une manière telle que la température diminue régulièrement en fonction de l'altitude jusqu'à une certaine altitude (la tropopause) puis, l'énergie convective ayant été entièrement dissipée aux altitudes inférieures, la température reste constante dans la stratosphère.(**)


Les variables sont l'effet de serre dont les limites de variation peuvent être estimées au moyen du premier modèle (modèle d'effet de serre) et l'albédo de la planète(***).


Le modèle permet :

  1. de mettre en évidence l'existence de la stratosphère et d'estimer l'altitude de la tropopause et la façon dont elle varie avec l'effet de serre ou avec la constante solaire ;

  2. d'observer que lorsque l'effet de serre augmente, l'altitude du niveau d'émission du rayonnement qui sort vers l'espace augmente . C'est par cet intermédiaire que l'augmentation la concentration en CO2 provoque l'augmentation de la température à la surface. C'est donc un mécanisme dont la compréhension est essentielle.


(**) Précisions : Dans ce modèle, le gradient de température est fixé à sa valeur moyenne climatique de 6,5°C/km correspondant à une atmosphère standard avec une température à la surface voisine de 15°C. Pour des raisons pratiques de temps de calcul, le modèle est extrêmement simplifié et on ne retient que les paramètres et les processus essentiels qui sont l'absorption et l'émission de rayonnement d'une part et la convection d'autre part. L'absorption du rayonnement solaire par l'atmosphère est négligée. L'absorption par les différents GES est représentée par un coefficient indépendant de la longueur d'onde (on dit que l'absorption est grise). Ce coefficient est directement lié à l'effet de serre.


(***) : Les variations de l'albédo et celles de la constante solaire sont équivalentes. En effet, l'une des hypothèses fondamentales du modèle est l'équilibre radiatif de la planète (eq. 1) et puisque l'atmosphère est transparente au rayonnement solaire, l'albédo de la planète est égal à celui de la surface (l'albédo des nuages est donc combiné à celui de la surface proprement dite).

Modèle  d'équilibre énergétique (EBCM: Energy Balance Climate Model)

Objectifs : répartition de la température avec la latitude, estimation des transports de chaleur par l'océan et l'atmosphère, variation avec la température de la surface couverte de glace.


Originellement, le premier EBCM a été développé par Budyko en 1969. Le modèle a une dimension: la latitude.


L'hypothèse est que chaque bande de latitude doit être équilibrée énergétiquement. Ici, le bilan énergétique est la somme du bilan radiatif et du bilan de l'énergie transportée par les mouvements de l'atmosphère et de l'océan, ce qui s'écrit :

Fir(x) = Solabs(x) + Adv(x)

où x est la latitude (****).

Le modèle calcule le flux infrarouge émis à chaque latitude et par l'intermédiaire de G (la mesure de l'effet de serre), on en déduit la température à la surface.

G = Fsur(x) / Fir(x)

Fsur(x) = σ T(x)4

Le modèle d'effet de serre permet de calculer G en fonction de la concentration en CO2 ou des nuages.


(****) Dans le détail : le flux solaire absorbé dépend de l'ensoleillement à la latitude x et de l'albédo :

Solabs(x) = (1-alb(x)) * ensol(x)

On suppose que le flux advecté, c’est-à-dire que la quantité de chaleur apportée (ou perdue) par les mouvements de l'atmosphère et de l'océan de l'équateur vers les pôles, est proportionnel à la différence entre le flux solaire absorbé en moyenne par la planète (Solmoy)  et celui qui est absorbé à la latitude x.

Adv(x) = C * (Solmoy - Solabs(x))

Modèle d'effet de serre

Première approche : modèle simplifié

On fait au plus simple : seules la concentration en CO2 et la température à la surface sont variables.

Augmentation de la température depuis le début du 20e Siècle

Au début de l'ère industrielle, la concentration en CO2 est de 280 ppm, elle est aujourd'hui de 410 ppm.

  • Chercher les températures à la surface qui permettent l'équilibre radiatif pour ces deux valeurs (T280 et T410)

  • Depuis le début de l'ère industrielle, l'augmentation de température globale est d'environ 1,3°C à comparer à T410 - T280.

Sensibilité climatique

On définit habituellement la sensibilité climatique comme l’augmentation de température qui résulte d’un doublement de la concentration en CO2.

  • Cherchez donc T560 correspondant à une concentration de 560 ppm. La sensibilité climatique est alors T560 - T280.


Deuxième approche : sensibilité à la vapeur d'eau et aux nuages, modèle avancé

Tous les paramètres cités dans la présentation générale peuvent être ajustés.


Humidité relative (en %) en fonction de la latitude et de la pression pour le mois de juillet 1987 d'après Held et Solden 2000 (Noter que la vapeur d'eau est très concentrée dans les basses couches de l'atmosphère)


Note : dans le modèle d'effet de serre, on choisit l'humidité relative à la surface, elle diminue ensuite avec l'altitude jusque vers 500 hPa.

  • Chercher à nouveau les températures à la surface qui permettent l'équilibre radiatif pour les deux valeurs (T280 et T410)

    • sans nuage ;

    • avec 50% de nuages bas puis 50% de nuages hauts (il y a sensiblement 50% de nuages sur la planète) ;

    • avec 100% de nuages bas et 100% de nuages hauts.


Noter que T410-T280 dépend assez peu de la présence ou non de nuages, alors qu'individuellement T280 et T410 y sont fort sensibles. La raison est qu'une part importante de l'absorption et de l'émission par le CO2 a lieu au dessus des nuages.

Forçage radiatif du CO2

  • Pour 280 ppm CO2, chercher T280, noter le flux radiatif sortant F280 et, sans rien changer d'autre, passer la concentration en CO2 à 410 ppm, noter F410.

Le forçage radiatif depuis le début de l'ère industrielle est

RF= - (F410 - F280)

Le signe (-) traduit le fait que la diminution du flux sortant produit un réchauffement.

Forçage radiatif des nuages

  • Procéder de même pour les nuages : sans rien changer (CO2 à sa concentration actuelle) passer de 0% à 100% de nuages bas puis de nuages hauts., mais noter que l'énergie solaire absorbée varie également.

Le forçage radiatif des nuages résulte donc de ces deux effets sur l'albédo et sur le flux IR sortant. En diminuant le flux IR sortant, ils augmentent l'effet de serre et tendent à réchauffer la planète ; mais en diminuant l'énergie solaire absorbée , ils tendent à la refroidir. Le forçage radiatif des nuages est donc la différence de ces deux termes. Comme pour le CO2, on définit le forçage IR des nuages par :

FRir = -(F(100% nuages) – F(0 nuage))

et donc pour le forçage sur l'énergie solaire absorbée :

FRsol = - (solaire_absorbé(100 % nuages) – solaire_absorbé(0 nuages))

FRnuages = FRir + FRsol


Dans ce modèle , l'albédo des nuages ne dépend pas de leur altitude ,alors que leur effet de serre en dépend. Dans la réalité, les nuages hauts ont généralement un albédo nettement plus faible que les nuages bas(de l'ordre de 0,2 à 0,3 contre 0,6 voire plus pour les nuages bas). D'après les mesures de CERES :

FRir = 29,5 ± 0,4 W/m2

FRsol = 47,5 ± 0,5 W/m2

FRnuages = -18 W/m2

Les nuages tendent donc à refroidir la planète mais dans le contexte du réchauffement, on ne sait pas encore comment évolueront les nuages et leurs forçages bien que de plus en plus d'indications semblent converger vers un effet qui amplifierait encore le réchauffement, c'est à dire une rétroaction positive.


Rétroaction de la vapeur d'eau

La variation de température qui résulte d'un forçage radiatif peut s'écrire :

ΔT = ΔF/Y avec Y = dF/dT

Pour une Terre sans atmosphère : F = σT4 et dF/dT = Yp = 4σT3 3,8 W/m².°K

Yp est donc la variation du bilan radiatif quand la température varie de 1°K, le reste étant inchangé.


Avec l'atmosphère, l'océan, etc., on écrira :

Y = Yp + YH2O + Ynuages +...

YH2O = (F/H2O) (H2O/T) est la variation du bilan radiatif due à la variation de la vapeur d'eau quand la température varie de 1°K alors que tout le reste est inchangé, de même pour les nuages, etc..



On a déterminé le forçage radiatif du CO2 depuis le début de l'ère industrielle (F280-F410) ; on connaît Yp ;on va calculer YH2O.

Dans le code, c'est l'humidité relative (HR) qui est fixée, ce qui fait que quand on change la température, la quantité de vapeur d'eau change également, sachant que la pression partielle de vapeur d'eau varie d'environ 7% par degré aux environs de 300°K. On désire obtenir la variation du flux due à la seule variation de la vapeur d'eau qui correspond à une augmentation de température de 1°C, il suffit donc d'augmenter HR de 7%, tout le reste restant inchangé.


  • Avec 280 ppm de CO2, augmentez HR de 7%; notez le flux sortant Fir(7) :

    YH2O = Fir(7) - F280

Indication : YH2O est voisin de 1,3 W/m².°K. C'est un ordre de grandeur ; dans la littérature, on trouve des valeurs nettement supérieures (voir WV dans la figure ci-dessous, d'après Bony et al, 2006).


Rôle des aérosols

L'émission infrarouge des aérosols est négligeable sauf cas très particuliers .


  • Pour 410 ppm CO2, 70% d'humidité relative et 50% de nuages bas, chercher T410, noter le flux solaire absorbé Solaer0 et sans rien changer d'autre, augmenter l'albédo en ciel clair de 0,002, noter Solaer2

Le forçage radiatif des aérosols est Solaer2-Solaer0, ce forçage est négatif et tend à refroidir la planète.

  • Chercher ensuite la température d'équilibre Taer2

En tenant compte de l'influence des aérosols, le réchauffement calculé par le modèle est donc en fait Taer2- T280

Résultats

Figure d'après IPCC (2013)

Flux solaire
absorbé TOA


absorbé surface

Flux IR
sortant TOA


descendant surface

Bilan
radiatif de l'atmosphere


radiatif de la surface


énergétique de l'atmosphère




Résultats

Figure d'après IPCC (2013)

Flux solaire
absorbé TOA


absorbé surface

Flux IR
sortant TOA


descendant surface

Bilan
radiatif de l'atmosphere


radiatif de la surface


énergétique de l'atmosphère